À la rencontre de ces bergers qui vivent sur les sommets

À la rencontre de ces bergers qui vivent sur les sommets

2 juillet 2017

Chaque été, plus d'une centaine de bergers pyrénéens prennent, en famille, le chemin des sommets avec leurs troupeaux pour fabriquer du fromage en estive. Une pratique qui a failli disparaître.

Chaque fin juin, un ballet d’hélicoptères anime le ciel des Pyrénées : les bergers prennent le chemin des cimes avec leur matériel, leurs effets personnels et des victuailles pour tenir toute la saison. Ils sont plus d’une centaine au total à monter avec leurs brebis. Pourtant, il y a quelques dizaines d’années, on leur disait qu’il n’y avait aucun avenir là-haut. Mais qui d’autre aurait pu reconquérir la montagne pour assurer son développement durable ? L’Europe et les collectivités locales ont compris cet enjeu et ont entrepris d’aider, financièrement et matériellement, ceux qui incarnent la tradition millénaire des bergers fromagers pyrénéens.

Toutes les générations au sommet

TH05_Estive3
Fini le temps des bergers aux allures d’ermites. Désormais, ce sont des familles entières, avec parents et enfants, qui passent une centaine de jours là-haut. Quelque 150 cabanes confortables, équipées en eau potable, électricité, sanitaires et salles de bains, ont été rénovées ou installées. Les fromages attendront la fin de saison pour descendre, en 4x4, à dos d’âne, ou par hélicoptère pour les lieux les plus difficiles d’accès.
Sous le col d’Aubisque, par exemple, trois cabanes accueillent des fromagers de toutes générations. Madeleine Casabonne, dite « Mado », 74 ans, fabrique à 1 700 mètres d’altitude des tommes de brebis dans une cabane au confort rudimentaire. Elle est maintenant soulagée que son petit-fils Julien prenne bientôt la relève ! Un peu plus haut, Cédric et Jessie Cazette, jeune couple trentenaire, œuvrent tout l’été avec leurs trois enfants en bas âge. Un peu plus haut, encore, juste sous le col, Mathieu Baylocq transforme le lait de ses 250 brebis laitières avec sa femme Carine entre mi-juin et fin août. « L’important ici, assure-t-il, c’est l’herbe fraîche et l’amour que l’on donne aux brebis pour qu’elles produisent le meilleur lait possible. Les fromages d’ici sont différents, d’une qualité sensorielle supérieure à ceux que nous fabriquons en bas. Leur goût est plus prononcé et leur texture plus onctueuse. »
À cette hauteur, la chaîne des Pyrénées se découpe parfaitement à l’horizon et invite à la contemplation de la nature. Les brebis pâturent librement et des chiens annoncent l’arrivée des visiteurs curieux, venus découvrir la production fromagère locale. Parfois, le brouillard, la pluie ou l’orage obscurcissent le ciel, mais le panorama reste impressionnant, quelle que soit la météo. 
 

Une association haut perchée

TH05_Estive1
C’est grâce à l’Association des bergers transhumants des trois vallées béarnaises (Aspe, Ossau, Barétous)*, créée en 1990, que cette reconquête a été possible.
L’association a lancé la marque « Fromage d’estive », avec un cahier des charges ambitieux à respecter : fabrication quotidienne, lait cru, alimentation essentiellement fondée sur le pâturage… 
L’association regroupe environ 80 fromagers qui fabriquent en estive, en emmenant leurs brebis, leurs chèvres, ou plus rarement des vaches. L’arc pyrénéen compterait en tout plus de 150 producteurs de fromage d’estive. Selon les conditions climatiques, les premiers montent dès mi-mai, d’autres attendent, parfois jusqu’au 15 juillet. Certains grimpent par paliers, pour suivre la pousse de l’herbe. 
 
(*) Maison des Vallées
Place des Oustalots
64 400 Oloron Sainte-Marie
05 47 72 81 30

En symbiose avec l’environnement

TH05_Estive5
À Arette, Jean-Marc Salies, 45 ans, et son fils Maxime, 23 ans, montent chaque été aux alentours de mi-juin, en estive à la Pierre Saint-Martin à 1 700 mètres d’altitude. Ils montent avec 400 brebis ! Ils disposent là-haut d'une salle de traite et d’un atelier de fabrication. À partir du 20 août, ils transhument en vallée d’Ossau où ils restent jusqu’au début octobre, sans eau ni électricité. À ce moment-là, ils ne fabriquent plus de fromage, mais laissent simplement souffler les bêtes, qui elles aussi ont le droit à quelques vacances. Au final, selon les années, 15 à 20 % de leur production annuelle est réalisée en estive. Ils vivent en étroite symbiose avec leurs brebis : « Quand elles manquent d’herbe ou d’eau à cause de la sécheresse, on ne se sent pas bien pour elles. Mais quand elles peuvent donner du lait facilement, on est soulagés. »

Les voyages incessants de Jean-Louis

TH05_Estive6
Certains bergers montent en estive sans pour autant fabriquer le fromage sur place. Jean-Louis Garaig, 55 ans, est ainsi berger à Accous, à 450 mètres d’altitude. Il fabrique de l’ossau-iraty fermier à partir du lait de ses 200 brebis. De mi-juin jusqu’à la fin de l’été, il monte tous les jours traire ses brebis en estive jusqu’à 1400 mètres d’altitude. Il redescend ensuite le lait dans des bidons pour le transformer dans son atelier. Ou plutôt, pour laisser sa maman, Georgette, 80 ans, faire naître les précieuses meules d’ossau-iraty. Elle garde pour elle le secret de la fabrication. Dès que les fromages sont moulés, le fromager retourne surveiller ses bêtes, jamais lassé de ces allers-retours permanents entre sommets et vallée.

Ces articles devraient vous plaire

Plus d'articles

Plus de fromage