Mothais sur feuille & chabichou du Poitou AOP… Paul Georgelet produit des fromages de chèvre fermiers depuis 35 ans dans les Deux-Sèvres. Pourtant l’an-dernier, il a décidé de s’installer sur l’île de Ré, reprenant alors la seule fromagerie de l’île. Et ça a changé son quotidien ! Il a accepté de jouer au jeu des sept différences pour Quiveutdufromage…
De fromager terrien dans les Deux-Sèvres, Paul Georgelet est aujourd’hui devenu fromager maritime, à Loix, sur l’île de Ré. Tous ses repères ont changé !
Microflore : entre terre et mer, rien à voir ?

La microflore du lait est invisible, mais c’est elle qui façonne en grande partie le goût des fromages. Moisissures, bactéries, levures forment un monde microscopique qui contribue au processus de fermentation et à la libération de composés aromatiques. « Je ne travaille qu’avec les ferments indigènes naturels, explique Paul Georgelet, et j’ai dû modifier les températures, les durées, les doses, cela ne réagissait pas pareil. Les teneurs en matières grasses et en protéines sont pourtant les mêmes que sur le continent, mais c’est cette microflore, liée à l’air marin et à une alimentation différente des chèvres, qui favorise certains oligo-éléments, qui sont en cause. C’est la magie du terroir ! »
Les fromages ont-ils le même goût et la même texture ?

Il fallait s’y attendre, c’est non. « La texture des fromages est fondante dans les deux cas, mais elle est peu plus compacte, un peu plus serrée sur l’île que sur le continent », répond le fromager, qui devine une influence des vents dominants, réputés très asséchant, d’où l’existence des marais salants sur l’île. « La flore de surface qui s’implante naturellement est aussi plus fine à Loix, poursuit-il, et le fromage a un peu plus d’acidité en bouche. » Au final, à l’issue de 15 jours à 3 semaines de différence, impossible de confondre les produits !
Les chèvres aiment-elles l’air de la mer ?

Oui ! La fromagerie est située à 100 mètres du rivage, au nord de l’île. Les 150 chèvres disposent d’un peu moins d’un hectare pour se dégourdir les pattes, respirer l’air marin et contempler l’horizon. En se méfiant, tout de même, des rafales. Dans l’étable, des claires-voies laissent l’air circuler. « C’est un environnement très sain, se félicite Paul Georgelet. Je n’ai encore enregistré aucune toux, aucune pneumonie… »
Plus dur de fabriquer du fromage sur une île ?

« Quand tout fonctionne bien, c’est identique, répond le fromager. Mais au moindre problème, tout se complique ! Je suis le seul éleveur et fromager de l’île. Le vétérinaire connaît peu l’élevage, je n’ai aucun fournisseur ou réparateur de matériel agricole, je ne peux pas me faire aider par un voisin… Au moindre pépin, la journée est perdue ». Et encore le fromager a la chance d’avoir sa ferme des Deux-Sèvres, à deux heures de route, pour aller chercher une pièce détachée si besoin.
De la fourche à la fourchette

L’île de Ré voit sa population multipliée par dix l’été ! L’activité de Paul Georgelet bat son plein pendant les vacances scolaires et la période estivale, soit de Pâques à la Toussaint. Une aubaine pour le fromager, qui ouvre ses portes tous les jours à 17 h pour la traite du soir. « Les gens sont heureux, les mamans montrent aux enfants d’où vient le lait. On fait de la pédagogie concrète, de la fourche à la fourchette, avec dégustation à la fin de la visite. » La ferme accueille ainsi plus de 5 000 touristes par an, jusqu’à 250 par jour en haute saison. « On a beaucoup d’étrangers, des gens très curieux et à l’écoute. Ce n’est que du bonheur pour nous ! »
Comment s’adapter à la saisonnalité ?

Rien de plus facile sur l’île de Ré : « Le cycle naturel de la chèvre correspond pile-poil au rythme de l’île, on ne peut pas faire mieux. De novembre à février, lors du tarissement des chèvres, c’est mort., il ne se passe à rien. À partir de Pâques, le lait coule à flots, au moment où la saison repart. » Dans les Deux-Sèvres, la demande est plus forte au printemps et, de plus en plus, en fin d’année. « On n’a plus le droit de ne pas avoir de lait à Noël », explique Paul Georgelet, qui décale alors les lactations d’une partie de son troupeau.
Les habitudes de consommation sont-elles différentes ?
