Une seule AOP, le maroilles, mais beaucoup d’imagination pour enrichir le plateau régional : les fromagers des Hauts-de-France ont la fibre créatrice.
Hormis le Maroilles, cantonné à la Thiérache, les Hauts-de-France ne disposent d’aucune AOP. Ce qui laisse un vaste espace de liberté et de créativité à leurs fromagers. Illustration en quatre exemples.
Le Sablé de Wissant des Frères Bernard
Le Ch’ti gris de la Ferme du Vinage
Installée dans la proche campagne de Lille, à Roncq, la Ferme du Vinage vient de donner naissance au Ch’ti gris, une variété très rare dans le Nord : il s’agit d’un bleu de vache. Fabriqué au lait cru entier, il se présente sous la forme d’une demi-lune, parée d’une croûte bleu-gris. Le bleu est bien disséminé dans la pâte ivoire à texture crémeuse. Il a été créé en famille, par Thérèse-Marie Couvreur et sa fille Géraldine, qui reprend le flambeau après une première carrière dans le marketing. Petit secret de fabrication : il est fabriqué dans des moules à camembert, avant que le caillé ne soit scindé en deux. Comme tous les bleus, il apprécie les blancs liquoreux. Thérèse-Marie avoue un faible pour un coteaux-du-Layon. Au total, la Ferme du Vinage propose une vingtaine de fromages originaux : Crayeux de Roncq, Jolirond, Pavé de Roncq, Vinadoux, Petit villageois… Et elle ne compte pas s’arrêter là !
La Tomme au foin d’Anselme Beaudouin
En Picardie, le Gaec de la chapelle Saint-Jean, installé à Grémévillers, innove tous azimuts. Sa création la plus spectaculaire est la tomme au foin, dont on trouve trace dans des textes antérieurs à la Révolution française. La dernière fermière en fabriquant dans le village avait arrêté en 1976. Dix-huit ans plus tard, la famille d’Anselme décide de recréer et d’adapter la tomme au foin, interroge d’anciens fermiers et finit par collecter quatre recettes différentes.
Le fromage, issu de lait cru de vache, est enrobé de 5 cm de foin de regain, coupé à l’automne, débarrassé d’éventuels intrus indésirables (chardons, ronces…) et séché. Le foin a pour propriété de ralentir la vitesse d’affinage : la tomme de 2 kg s’affine à la vitesse d’une tomme d’une quinzaine de kilos, ses arômes se déployant peu à peu avec finesse. Et lorsque le foin n’a absorbé aucune humidité extérieure, pas même une rosée matinale, il communique alors ses odeurs champêtres au fromage…
Depuis, la tomme au foin a été rejointe par le Petit Gerberoy, le Bray picard aux graines de lin, la tomme au cidre, le Cloître fumé… Les tous derniers-nés sont le Crèvecœur, un bleu en forme de cœur, affiné à la sauge, et la Choquoise, une pâte à tartiner élaborée à partir de crème, de rollot et d’ail.