Le petit coin de paradis des bergers corses

Le petit coin de paradis des bergers corses

1 août 2017

L'île de beauté compte encore plus de 300 bergers fromagers qui élèvent leurs troupeaux dans des paysages grandioses.

Avec 117 sommets à plus de 2 000 mètres, la Corse est une véritable chaîne de montagnes surgies de la mer, avec vue panoramique sur les flots bleu turquoise de la Méditerranée. Ses paysages à couper le souffle lui ont valu le surnom d’« île de Beauté ». Mais autrefois, on l'appelait aussi « l'île verte », car elle était bien moins aride que ses consœurs méditerranéennes.  
Ici, aucun fromage ne ressemble à celui du voisin. Il n’y a pas de camions-citernes pour aller collecter le lait sur les petits chemins de montagne. Et lorsque le lait de brebis vient à manquer au fil de la saison, on le complète avec du lait de chèvre, qui prend peu à peu la relève.  
La Corse est ainsi un haut lieu du pastoralisme, où les bergers et les fromages sont héritiers d’une histoire millénaire. Ils élèvent des races de chèvres et de brebis autochtones. Qui veut du Fromage est allé à la rencontre de ces bergers, dont le quotidien entremêle la rudesse de la vie en montagne et le bonheur de vivre dans un petit coin de paradis.

Sébastien Costa, le chef de file

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La fromagerie de Sébastien Costa est située au fond d’un amphithéâtre minéral, à 1 400 mètres d’altitude, dans la vallée du Niolu. Il l’occupe de juin à octobre. La cascade toute proche est une halte prisée par les randonneurs du célèbre et exigeant sentier GR 20. Dès 4 heures du matin, alors que la lueur du jour pointe à peine à l’horizon et teinte le ciel de tons roses, il s’apprête à traire, à la main, ses quelque 200 chèvres aux cornes torsadées et aux couleurs bigarrées. Elles vont bientôt partir pour la journée dans la montagne, sans leur berger. Elles reviendront en fin d’après-midi (il faut parfois aller les chercher) pour la seconde traite. 
 
Sébastien Costa est berger depuis l’âge de 24 ans. Il se bat depuis des années pour préserver le modèle agropastoral corse, conscient que les jeunes aujourd’hui préfèrent se tourner vers le secteur du tourisme. Il mène une véritable croisade pour obtenir une AOP pour son fromage fétiche, le niolo, certain que le label pourrait l’aider à préserver les traditions.  
 
Son petit snack-bar d’altitude voit défiler 500 randonneurs par jour. Ils lui achètent ses broccius encore fumants et ses niolos avant même qu’il n’ait eu le temps de les affiner. Une vie idyllique ? Pas sûr : il raconte que parfois ses chèvres disparaissent, qu’il doit subir les canicules à 40 °C, les refroidissements soudains, les orages et tous les aléas de la haute montagne. La vie au paradis est éprouvante, mais il n’y renoncerait pour rien au monde.  

Jean-André, l'héritier

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Dans la famille de Jean-André Rossi, on est berger corse de père en fils depuis 1634 au moins ! Il s’est installé au cœur de la Haute Corse dans le petit village perché de Letia, à 750 mètres d’altitude, à l’écart de l’agitation de la côte touristique. La vue infinie sur les paysages accidentés de la montagne corse invite à une vie contemplative. Mais il faut, jour après jour, s’occuper des chèvres. Jean-André en élève environ 200, de race corse, qu’il trait de Noël jusqu'à mi-juillet. Celles-ci raffolent des ronces et épineux qu’elles trouvent au gré de leurs promenades sur la montagne, au milieu des châtaigniers, des chênes, des bruyères et des genêts. 
Leur lait, peu abondant mais très riche, permet au berger de fabriquer le brocciu. Fabrication hyper traditionnelle le matin, soins d’affinage l’après-midi, le cycle des gestes millénaires se répète inlassablement. Il confie cependant : « ma fille n’a pas l’intention d’être bergère ». Mais lui aussi disait cela à ses propres parents… 

Ghjuvan-Francescu Castellani, la relève

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À 22 ans, Ghjuvan-Francescu Castellani incarne une relève qui veut non seulement perpétuer la tradition mais aussi lui donner des bases économiques pérennes. Côté tradition, le jeune homme transhume chaque été avec ses brebis au bord d’un lac d’altitude, le Ninu, l’une des plus belles étapes du parcours nord du GR 20. Pas moins de quatre heures de marche sont nécessaires pour y accéder. Le berger élève 160 brebis de race corse, dont il transforme le lait en niolo et brocciu. Il affine ses niolos dans des casgiles, ces séchoirs en pierre traditionnels où il faut se courber pour entrer et glisser les fromages sur des planches. Puis il redescend ses fromages au village de Casamaccio à la fin de l’été, avec son troupeau.  
 
Pour ce qui est de l’avenir, le berger milite pour la conquête d'une AOP pour le niolo, « afin de mieux le défendre et le préserver ». Il a également pour projet la construction au village d’une nouvelle fromagerie aux normes européennes. Son objectif est de donner aux fromages corses le rayonnement qu’ils méritent. 

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