Le Langres, un petit creux au-dessus du cœur

Le Langres, un petit creux au-dessus du cœur

10 mai 2017

Le petit fromage de vache champenois orangé se distingue par la cuvette creusée à son sommet.

Est-ce parce que les paysans manquaient de temps pour s’en occuper ? Ou, au contraire, le laissaient-ils se creuser pour différencier leur fromage fétiche de ceux des régions avoisinantes ? Nul ne le sait. Dans l’immense majorité des fromageries de la planète, les fromages, une fois démoulés, sont retournés à plusieurs reprises pour que leur égouttage soit régulier et que le taux d’humidité soit homogène dans la pâte. Mais pas du côté du plateau de Langres. Résultat, une cuvette se forme peu à peu au sommet du fromage, tandis que sa croûte prend des aspects tourmentés.

Comment rendre un Langres encore plus fondant ?

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« Le fromage se creuse très rapidement », assure Florian Poinsot, 32 ans, fromager chez l’unique fermier de l’appellation, le Gaec des Barraques. Lorsque l’on compare les fromages à différents stades d’affinage, on remarque que les fromages les plus jeunes, encore blancs, ont déjà un bon centimètre de profondeur. Ce creux peut doubler de taille chez les plus affinés, où la croûte orangée prend une légère teinte blanche.

 C’est sous cette forme, reconnaissable entre toutes, que le Langres AOP a forgé son identité. Les Champenois dénomment cette cuvette « fontaine », car un usage local consiste à la remplir de marc, de bourgogne ou de champagne, ou d’eau-de-vie de mirabelle par exemple. L’alcool infuse progressivement dans la pâte, contribuant à rendre la texture fondante. Cyril Schertenleib, l’un des trois fromagers de la petite appellation d’origine champenoise, confie une astuce pour être sûr du résultat : « Plantez des cure-dents dans la cuvette ! Cela permet au marc de bien pénétrer au cœur de la pâte. » Celui-ci propose un « Langres champenois » affiné au marc de champagne au minimum trois semaines. 

 

Une couleur venue du Nord

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Et cette couleur orangée soutenue ? Elle est caractéristique de la famille des pâtes molles à croûte lavée, dont le Langres AOP est l’un des emblèmes. C’est une famille prolifique, très présente au nord de la France. Elle part de la Normandie (pont-l’évêque, livarot), monte vers les Flandres françaises et belges (maroilles, herve), redescend vers les Vosges (munster), en passant par la Bourgogne (époisses, soumaintrain) et le plateau de Langres. Historiquement, ces fromages étaient lavés en cours d’affinage, ce qui encourageait le développement du « ferment du rouge », synonyme de saveurs plus prononcées. Ils le sont toujours, mais la couleur vive provient le plus souvent de rocou, une épice d’origine sud-américaine, mélangée à l’eau salée. 
 

À table !

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Le Langres AOP doit subir un affinage minimal de 18 jours avant de pouvoir sortir de cave. Sa pâte présente un grain très fin et son pourtour devient de plus en plus crémeux à mesure que s’écoulent les jours, tandis que son goût s’affirme peu à peu, sans devenir trop puissant. On peut, comme René Schertenleib, 73 ans, père de Cyrille, déguster le Langres dès le petit-déjeuner, en plongeant sa tartine dans le bol de café fumant. Ou attendre les autres repas de la journée, pour accompagner une volaille, en incorporant le Langres à une sauce crémeuse, par exemple. Enfin, on peut également le faire gratiner sur des pommes de terre, en improvisant ainsi une « Langriflette ».

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