Sa réputation de "fromage fort" le dessert quelque peu. "Véhément Maroilles dont la tonitruante saveur résonne comme le son du saxophone dans la symphonie des fromages !", disait Curnonsky, “le prince des gastronomes”, tandis que Léon-Paul Fargue, plus abruptement, écrivait que le célèbre fromage du Nord sent "les pieds du bon Dieu"… Fromage de tempérament, certes, mais bien plus accessible que sa réputation le laisse croire. La meilleure maîtrise du froid et de l’affinage font aujourd’hui du Maroilles un fromage certes de caractère et de goût complexe, mais sans l’intensité et la virulence qui lui sont volontiers prêtées.
Le Maroilles, le seul fromage AOP des Hauts-de-France
Considéré comme un "fromage fort", le Maroilles, seul fromage des Hauts-de-France à avoir décroché une Appellation d’origine protégée (AOP), doit en fait son tempérament affirmé à une réaction en chaîne complexe, mêlant facteurs géographiques, climatiques et tours de main. Dans la Thiérache, région bocagère du Nord de la France dont est originaire le fromage Maroilles, les sols marneux et argileux, très humides, ainsi qu'une pluviométrie importante ont encouragé la pratique de l’élevage. Ils ont aussi permis la sélection de ferments lactiques particulièrement actifs, issus de la famille dite des « mésophiles ». En se nourrissant des composés nutritifs du lait, ils entraînent des réactions en chaîne qui libèrent les composés aromatiques si particuliers.
Fabrication du fromage Maroilles et affinage
Une fois fabriqué, salé et démoulé, le fromage Maroilles part en cave d’affinage où la main de l’homme va donner un coup d’accélérateur au processus de production de composés aromatiques. Historiquement, c'est pour empêcher le développement de moisissures indésirables que les fermiers ont pris l’habitude de laver régulièrement le fromage avec une eau saumurée. Cet usage avait également pour vertu de conserver de l’humidité dans la pâte et de lui donner plus de goût. L’humidité et le sel encouragent le développement d'une bactérie inoffensive, baptisée de manière imagée "ferment du rouge", Brevis Bacterium Linens, pour le nom scientifique. Ce ferment puissant donne des tons rose-orangés à ocre à la pâte, et contribue à l’affinage du fromage. Cette même bactérie est à l’œuvre dans les fromages dits "à croûte lavée", tels que le Munster AOP, l’Epoisses AOP ou le Livarot AOP.
Bon à savoir sur le Maroilles : Sur des fromages où la saveur vient en grande partie de l’affinage et de l’action du ferment du rouge, le traitement thermique adopté, à savoir lait cru, thermisé ou pasteurisé, a moins d’effet sur la sapidité, c'est à dire la saveur finale du fromage.