Il suffit de quelques semaines pour transformer un
fromage de chèvre tout juste démoulé, encore gorgé d’humidité, en une pâte dense et riche en saveurs. Prenons l’exemple du
crottin de Chavignol AOP. Le célèbre fromage berrichon peut apparaître sur les étals après seulement 10 jours de fabrication : sa croûte est alors blanche et fine, sa pâte très tendre, ses arômes évoquent encore le lait frais. Un mois plus tard, le fromage est méconnaissable : il s’est rétréci, sa croûte oscille désormais entre le bleu et le gris, sa pâte est compacte, cassante, s’effrite sous le couteau, le sel est davantage perceptible. L’affinage a fait son œuvre !
Le premier effet de l’affinage est de sécher le fromage. L’eau s’évapore naturellement sous l’effet de la température, mais aussi de la ventilation. En s’affinant, le fromage va perdre progressivement de son humidité, jusqu’à 30 % à terme ; son poids baisse en conséquence. La texture s’affermit, se resserre, et le fromage se rétracte jusqu’à devenir compact, voire cassant. C’est le processus classique pour la grande majorité des fromages de chèvre de petit format.
Mais si l’affineur recherche au contraire un affinage crémeux, comme c’est le cas pour le
Rocamadour AOP, son travail va consister, à stimuler l’action des ferments situés sur la croûte pour qu’ils « façonnent » la pâte, consomment ses
protéines et lui fassent perdre ainsi de sa tenue. D’autres fromages modernes, comme
le Chavroux, reposent sur un procédé conçu pour garder une fraîcheur durable jour après jour.
L’effet sur les saveurs et les arômes
L’absence d’humidité dans le fromage renforce le goût du sel. Il n’est donc pas étonnant que les fromages affinés aient une saveur plus prononcée. Parallèlement, grâce à l’affinage, les saveurs s’enrichissent et se complexifient. Jour après jour, des levures, moisissures et bactéries (inoffensives) digèrent les protéines, la matière grasse et les sucres du lait (lactose) libérant ainsi des composés aromatiques dans le fromage. C’est ainsi que les arômes présents au début dans le fromage – ceux de la matière première – muent peu à peu. Les arômes de crème et les goûts acidulés disparaissent progressivement pour laisser naître, selon les produits, des parfums de fruits secs, de fleurs, d’épices…
Le principal effet visuel de l’affinage est la formation d’une croûte, qui s’épaissit peu à peu et peut changer d’apparence. Généralement, une flore blanche s’installe au début sous la forme d’un léger duvet. Puis des flores grises, rougeâtres ou bleues peuvent à leur tour s’installer, se mêlant au duvet blanc. Pas toujours facile de le prédire : le fromage est un produit vivant, qui réserve parfois des surprises !
Pour mesurer et ressentir les effets de l’affinage, nous vous invitons à vous procurer chez un crémier-fromager ou au rayon coupe le même fromage à trois stades d’affinage différent : frais, mi-affiné et à maturité. Commencez par déguster le plus frais et grimpez sur l’échelle des saveurs. Vous pouvez également prolonger l’expérience en cuisine en testant la même recette avec deux chèvres d’âge différent : confrontez par exemple un gratin de courgettes au chèvre frais avec des brochettes fraise-miel-romarin-chèvre affiné ! Avec toute l’amplitude qu’offrent les ressources de l’affinage, il y en a pour tous les goûts !